Jusqu’au dernier moment, les sondages sur l’élection présidentielle américaine ont envoyé des messages contradictoires. Les revirements et attentes de résultats très serrés ont affecté les marchés financiers, jusqu’au lundi de la veille d’élection. Que nous disaient les marchés obligataires et que peut-on lire au lendemain de l’élection?
Jusqu’au suffrage, la nervosité était palpable et la volatilité implicite des obligations a retrouvé ses plus hauts de ces 18 derniers mois. Rien d’inhabituel à une remontée de la volatilité dans les jours qui précèdent une élection présidentielle, mais les pics des élections précédents étaient loin d’atteindre les 136 enregistrés lundi – durant les deux dernières élections la volatilité n’avait pas atteint 80. Au lendemain du scrutin, la volatilité a commencé à diminuer sur le marché des options de taux, mais elle a pris l’ascenseur dans le marché «cash».
Au moment où cet article est écrit, le rendement du Trésor à 10 ans grimpe de 20 points de base à 4,47% et se rapproche de la frontière psychologique des 4,50%. Le rendement à 2 ans remonte de 11 points de base à 4,29%. La correction est brutale, surtout si l’on se souvient qu’il y a moins de deux mois le rendement du 10 ans flirtait avec les 3,60%. Une tendance commencée en août suite notamment aux mauvais chiffres de l’emploi qui avaient fait craindre un ralentissement économique et de nombreuses baisses de taux.
Des chiffres économiques meilleurs qu’attendu et une amélioration des perspectives conjoncturelles expliquent une partie de la remontée du rendement. L’élection présidentielle, et la très probable victoire républicaine dans les deux Chambres, expliquent le reste. Le programme de Donald Trump se fond entre autres sur de l’expansion fiscale, à travers notamment une baisse des taxes. Un soutien évident pour la croissance, les entreprises et les marchés de crédit mais dont les impacts sur le déficit et l’inflation ne sont pas vus d’un bon œil par les marchés de la dette.
Autre soutien pour la croissance locale, la politique tarifaire promise par Donald Trump. Cet élément contribue à expliquer une partie de la réaction des marchés obligataires européens dont les courbes se redressent également mais non par une hausse des rendements longs mais par la baisse des cours. Le rendement de l’emprunt allemand à 2 ans baisse de 9 points de base à 2,20%. De ce côté de l’Atlantique, une remontée des tarifs n’est pas une bonne nouvelle pour les exportateurs. Conjuguée à une faible conjoncture cela augmente les attentes de baisse de taux en Europe comme le montre la pentification de la courbe européenne. Celle de la courbe américaine reflète davantage de risque d’inflation, même si des anticipations de baisses de taux restent d’actualité.
Si la poussière doit encore retomber, les marchés obligataires entre les deux continents se découplent pour des questions de fondamentaux économiques, mais également de tensions tarifaires. L’écart entre le rendement du 10 ans américain et allemand a repris l’ascenseur, de 1,84% à 2,04% au lendemain de l’élection, alors qu’il n’était que de 1,0% mi-septembre. Les prochains mois vont être cruciaux pour déterminer si les marchés obligataires se sont fait peur «tout seuls» ou si ces mouvements au lendemain de l’élection dessinent le paysage auquel s’attendre.
Nous vous invitons également à découvrir l'article ainsi que d'autres points de vue de Catherine Reichlin dans sa chronique mensuelle pour l'AGEFI.