Investissement socialement responsable
Depuis l’époque romaine et la construction du Panthéon et des aqueducs, le béton est le matériau de construction le plus utilisé au monde, notamment en raison des bénéfices qu’il offre en termes de coûts, d’accessibilité des matières premières, de résistance, d’inertie thermique et de solidité. En outre, au regard de l’urbanisation croissante du monde - 80% de la population mondiale devrait résider dans les villes en 2050 -, il répond aux besoins liés aux infrastructures (santé, transports, communication, etc.). Le ciment, qui ne représente que 7 à 20% de la composition du béton, est responsable de 95% de son empreinte carbone. Selon l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), le secteur est responsable de 7% des émissions globales de CO2 avec une production de 2.8 milliards de tonnes en 2020. Si l’industrie était un pays, il serait le pays le plus polluant après la Chine et les Etats-Unis. Avec 4.3 millions de tonnes, la Suisse, pays bien doté en infrastructures modernes et bien entretenues, est l’un des plus gros consommateurs de ciment au monde.
Une industrie sous pression
Jusqu’il y a peu, l’industrie était relativement épargnée par des critiques qui se dirigeaient essentiellement contre les majors pétrolières. Aujourd’hui, des ONG environnementales et des coalitions d’investisseurs interpellent directement des groupes comme Holcim, CRH, HeidelbergCement au sujet de leur responsabilité climatique. En juillet dernier, Holcim a été poursuivi en justice en Suisse par des habitants d’une île indonésienne en raison du rôle présumé de l’entreprise dans l’élévation du niveau de la mer et des dommages y relatifs. Une pression supplémentaire à diminuer les émissions par tonne de ciment provient des clients, les acteurs de la construction, demandeurs de produits plus durables qui permettent de répondre aux standards de durabilité.
Un effort réel mais le chemin reste long
Les acteurs du secteur, via la Global Cement and Concrete Association, se sont engagés à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Concrètement cela amènerait les cimentiers à réduire les émissions CO2 d’une tonne à 375 kilos de CO2 par tonne de ciment en 2050. Cet objectif est ambitieux et sera coûteux pour avoir une chance d’être atteint. L’essentiel des émissions proviennent de la phase de fabrication du ciment (environ 80%), et plus précisément du processus de transformation chimique du clinker, un matériau fabriqué par la cuisson de roches d’argile et de calcaire à près de 1450°C. Le ciment Portland, ciment traditionnel et très peu écologique, a une teneur en clinker de 95%. Les cimentiers ont donc pour priorité de réduire la part du clinker dans la composition du ciment à l’aide d’alternatives moins polluantes comme des déchets (par exemple des cendres volantes). L’utilisation des déchets permet aussi de renforcer les programmes d’économie circulaire et de procéder à des économies substantielles. Les cimentiers doivent aussi améliorer l’efficience des processus de fabrication en investissant dans de nouveaux sites et utiliser des combustibles plus propres dans les fours. Cela passe notamment par la substitution des combustibles fossiles qui alimentent les fours par des déchets issus de la biomasse, par exemple. Grâce à ce type de mesures, des leaders du secteur comme Holcim ont pu baisser leurs émissions de 30% depuis les années 1990 et visent une réduction de 20% d’ici à 2030. Cependant, entre 2015 et 2021, l’intensité carbone directe de la production du ciment a augmenté de 1.5% par an, alors que des baisses annuelles de 3% jusqu’en 2030 sont nécessaires, selon l’AIE, dans le cadre d’un scénario « zero net emissions » pour 2050.
Les technologies de CSC comme levier de décarbonation
Les alternatives au ciment classique existent mais gardent toutes pour le moment une empreinte carbone significative. Dans ce sens, les techniques de captage et stockage du CO2 (CSC) apparaissent, aux yeux du GIEC, de l’AIE et de la Commission Européenne, comme une solution prometteuse. Le CSC consiste à installer des dispositifs permettant de capter le dioxyde de carbone contenu dans les fumées des sites de production afin de le transporter vers des zones de stockage sous-terrain. Critiquées par les organisations environnementales parce qu’elles ne pousseraient pas suffisamment les entreprises polluantes à revoir leur modèle d’affaire et réduire leurs émissions, ces solutions retiennent toutefois l’attention des grands acteurs de l’industrie du ciment. Comme le montre le graphique ci-dessous, les mesures CSC constituent la plus large part du potentiel de réduction d’ici à 2050 (environ 40%).
Aujourd’hui, HeidelbergCement, Holcim et Cemex ont initié 37 projets dans ce domaine – alors qu’il y en avait seulement deux en 2019. HeidelbergCement, grâce à ces technologies, vise à réduire 10 millions de tonnes de CO2 jusqu’en 2030. Le cimentier allemand construit actuellement la première installation au monde de capture du carbone à grande échelle dans la cimenterie de Brevik, en Norvège. Elle permettra de capturer 400’000 tonnes par an (soit 50%) des émissions de l’usine à partir de 2024. Holcim explore le développement de ces solutions en Europe et aux Etats-Unis en collaboration avec Schlumberger New Energy. Le nombre (encore) relativement bas de ces projets s’explique par la complexité et les coûts onéreux liés au déploiement de ces technologies.
Néanmoins, en plus des soutiens politiques marqués par le Green Deal européen et l’Infrastructure Deal américain, dans les années à venir, le déploiement paraît de plus en plus rentable. Ceci en raison de l’augmentation du prix du ciment lié aux émissions carbone - si les entreprises ne font rien pour réduire leur intensité - et de la réduction prévue des crédits carbone alloués aux entreprises de l’industrie du ciment par l’Union Européenne. Pour atteindre les objectifs de 2050, les mesures de CSC s’avèrent plus que jamais nécessaires pour l’industrie du ciment et vont nécessiter un financement important de la part des Etats et des investisseurs privés et institutionnels. Pour les investisseurs, une analyse ESG poussée permet de distinguer les cimentiers qui ont emprunté cette voie sérieuse de la décarbonation – souvent des géants européens cotés – de ceux qui restent sur le bas chemin.
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