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La BoJ n’ose pas avouer la fin de sa politique monétaire accommodante

À contrecourant de la FED, de la BCE ou encore de la BNS, la Banque du Japon (BoJ) était la dernière banque centrale des pays développés à rester ultra-accommodante. Aujourd’hui, elle met fin discrètement à sa politique monétaire accommodante. Quelles sont les conséquencces sur les marchés financiers japonais ?

La Banque du Japon (BoJ) était la dernière banque centrale des pays développés à rester ultra-accommodante, et ce à contrecourant de la Réserve fédérale américaine, de la Banque centrale européenne ou encore de la Banque nationale suisse, qui ont toutes mis en place un resserrement monétaire brutal dès l’année 2022. Aujourd’hui, la BoJ met fin discrètement à sa politique monétaire accommodante. Son gouverneur a récemment adopté publiquement un ton plus ferme vis-à-vis de l’inflation et des salaires japonais, et prépare l’opinion publique à un resserrement monétaire.

UN RESSERREMENT MONÉTAIRE FEUTRÉ DEPUIS LA FIN JUILLET

La banque centrale nippone mène une politique de contrôle de la courbe de taux et fixe le niveau du taux souverain japonais à 10 ans à travers notamment des opérations d’achat d’obligations. Jusqu’à la fin juillet, ce taux 10 ans était autorisé à varier de 50 points de base autour de 0%. Depuis, la BoJ a annoncé une «flexibilisation» de son contrôle de la courbe des taux. La limite de 50 points de base n’est plus rigide, et les opérations d’achat journalières peuvent se faire de manière illimitée par la BoJ au taux de 1%, contre 0,5% précédemment. Bien que la BoJ s’en défende, il s’agit donc bien, de facto, d’autoriser une hausse des taux souverains, ce qui constitue une première étape dans le resserrement monétaire. La prochaine étape pourrait être une sortie des taux de dépôts négatifs ou la fin du contrôle de la courbe des taux souverain.

VERS UNE SORTIE DE LA POLITIQUE DE TAUX NÉGATIVE ET DU CONTRÔLE DE LA COURBE DES TAUX

Tout récemment, le gouverneur de la BoJ, K. Ueda a amorcé un changement de communication, invoquant des risques haussiers sur l’inflation, et une plus grande dépendance de la conduite de la politique monétaire aux évolutions des prochaines données économiques. Le résultat des négociations salariales qui ont lieu chaque printemps sera important pour anticiper l’évolution de l’inflation japonaise, mais K. Ueda n’exclut pas d’avoir suffisamment d’information d’ici la fin de l’année à ce sujet. Il signale ainsi qu’un resserrement monétaire est possible avant le printemps 2024, contrairement aux anticipations actuelles des investisseurs. Une sortie de la politique de taux négatif ou la fin du contrôle de la courbe des taux dès décembre prochain ne peuvent donc plus être exclues.

LA BOJ VEUT EVITER DE DECLENCHER UNE NOUVELLE BOUCLE DEFLATIONNISTE ET UN CHOC DE TAUX

Les réticences de la BoJ à communiquer sur la sortie de la politique monétaire accommodante est vraisemblablement la conséquence des décennies de déflation enregistrées dans le pays. La banque centrale ne veut en aucun cas resserrer trop tôt la politique monétaire et déclencher une nouvelle boucle déflationniste. La question clé n’est donc non pas de savoir si l’inflation, aujourd’hui au-delà de 3%, va de nouveau retrouver l’objectif de 2%. La question est plutôt d’évaluer si elle peut rester de manière durable autour de 2%. Pour l’instant, le comportement des ménages et des entreprises semble conforter cette dernière hypothèse, mais les incertitudes sont grandes. Une très vaste majorité des ménages, jamais vue précédemment, anticipe une inflation au-delà de 2% à horizon un an, et la croissance des salaires en moyenne sur les douze derniers mois est supérieure à 1%, ce qui n’a pas été enregistré depuis la fin des années 1990. Mais cette croissance reste modeste, et dépendra également de l’activité domestique et de l’orientation du cycle mondial.

L’autre difficulté à laquelle se heurte la banque centrale est que l’économie nipponne sera plus vulnérable à des hausses de taux que d’autres économies développées. En effet, le Japon a connu dix années de politique quantitative sans précédent, incluant de larges achats d’obligations souveraines et d’entreprise ou encore de fonds indiciels actions et immobiliers cotés (ETF et REIT).  Ainsi, le bilan de la BoJ a atteint une taille inédite de 130% du PIB et la BoJ détient aujourd’hui plus de la moitié des obligations souveraines japonaises de maturité supérieure à un an. A titre de comparaison, le bilan de la Réserve fédérale américaine représente 30% du PIB américain et cette dernière détient environ 20% de la dette souveraine américaine (hors dette inter-gouvernementale). Autre exemple, le bilan de la Banque centrale européenne représente environ 50% du PIB de la zone euro. De fait, la normalisation du bilan de la banque centrale nippone ne pourra donc être que lente et progressive pour éviter tout choc de taux, et durera vraisemblablement plusieurs années.

QUELLES CONSÉQUENCES POUR LES MARCHÉS FINANCIERS JAPONAIS?

Ce resserrement monétaire devrait contribuer à stopper la dépréciation du yen contre le dollar dans les prochains mois, en réduisant le différentiel de taux avec les Etats-Unis. La volatilité sur le marché actions japonais pourrait augmenter à l’approche des prochaines réunions de la BoJ, en octobre et en décembre prochain. Toutefois, ce resserrement monétaire devrait être limité et graduel, tout comme la hausse des taux qui s’ensuivra, ce qui ne devrait pas peser outre mesure sur les valorisations actions.

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